Inconvénients du numérique à l’école : impact sur l’apprentissage

Depuis 2013, la France a multiplié les investissements pour équiper les établissements scolaires en outils numériques, répondant à une impulsion politique forte. Pourtant, l’évaluation des effets sur les compétences fondamentales reste contrastée.

Des études internationales rapportent une stagnation, voire une baisse, des performances en lecture et en mathématiques dans certains contextes d’usage intensif du numérique. Plusieurs académies observent une hausse des difficultés d’attention et des inégalités d’accès, malgré la généralisation des dispositifs.

Le numérique à l’école : promesses et réalités

Depuis plus de dix ans, la stratégie numérique du ministère de l’Éducation nationale tente de donner à chaque élève des compétences numériques solides. Si les investissements dans l’équipement des classes, la création de plateformes d’apprentissage en ligne ou d’outils dédiés ne cessent de croître, l’effet sur le terrain reste nuancé. Nicole Belloubet, ministre de l’Éducation nationale, martèle la nécessité de placer le numérique au cœur de la pédagogie, tout en adaptant l’école aux défis d’aujourd’hui.

Le déploiement massif de ces technologies ne suffit pas à transformer de manière uniforme le paysage éducatif. On constate des différences marquées d’un établissement à l’autre : matériel disponible, qualité des ressources, formation des enseignants, rien n’est homogène. Certains professeurs intègrent le numérique pour personnaliser les apprentissages ; d’autres, moins à l’aise ou moins formés, tâtonnent encore avec ces nouveaux supports. La réussite de la mise en œuvre dépend donc autant des infrastructures que de l’accompagnement des équipes pédagogiques.

Ce virage numérique suscite aussi des interrogations : comment doser innovation et continuité ? Les plateformes offrent quantité de ressources, mais leur utilité dépend d’une sélection rigoureuse et d’un usage réfléchi. Impossible d’ignorer la nécessité de former élèves et enseignants pour éviter que l’outil numérique, censé servir l’apprentissage, n’en vienne à occulter les bases de l’éducation.

Quels impacts sur la concentration et la réussite des élèves ?

La montée en puissance des outils numériques en classe bouleverse les repères traditionnels. Les travaux du CNRS et de l’Inserm pointent une attention en dents de scie : les écrans multiplient les sollicitations, fragmentant la capacité de concentration. Les contenus qui défilent sans fin, les notifications, la possibilité constante de se disperser, tout cela nuit à l’assimilation. Les enseignants, de leur côté, tentent d’ajuster leurs méthodes mais peinent parfois à juguler la baisse d’attention qui s’installe chez certains élèves.

La réussite scolaire ne sort pas indemne de cette exposition accrue aux écrans. D’après une enquête OCDE menée en 2023, l’usage intensif du numérique en classe n’apporte pas de bénéfices automatiques. Au contraire : les élèves les plus connectés, surtout en dehors des cours, voient leurs résultats en lecture et en mathématiques reculer. Ce phénomène touche particulièrement les plus jeunes, encore en phase d’apprentissage de l’autorégulation.

Face à ce constat, la formation des élèves et des enseignants devient incontournable. Les enseignants demandent des ressources pour intégrer le numérique sans relâcher le niveau d’exigence scolaire. Certaines expérimentations, comme les pauses numériques instaurées dans plusieurs collèges, soulagent la charge cognitive et permettent de retrouver une meilleure disponibilité mentale. Parallèlement, la montée des réseaux sociaux et la présence continue des téléphones soulèvent des enjeux nouveaux. L’interdiction du portable au collège, décidée par l’Éducation nationale, vise justement à préserver l’attention et la qualité du temps scolaire.

Entre inégalités d’accès et risques de dépendance, des défis à relever

L’école numérique en France se heurte à deux obstacles majeurs : la fracture numérique et de nouveaux risques de dépendance. Si le ministère affiche l’objectif d’un accès généralisé, la réalité demeure contrastée. La DEPP relève qu’environ un élève du secondaire sur cinq manque d’équipement adéquat à la maison, alors même que de plus en plus d’activités scolaires exigent une connexion fiable et du matériel adapté. Les différences d’accès ne font qu’amplifier les écarts de réussite entre élèves.

Pour bien saisir l’ampleur de ces disparités et des risques associés, quelques points méritent d’être mis en avant :

  • Inégalités d’équipement : dans les familles rurales ou modestes, l’accès aux ordinateurs et à Internet est souvent restreint.
  • Risques de dépendance : l’usage massif des réseaux sociaux et la profusion de notifications alimentent une forme d’accoutumance, comme le souligne l’Observatoire français des drogues et des tendances addictives.

À cela s’ajoute la dépendance aux écrans, qui va parfois de pair avec une exposition accrue au cyberharcèlement et à la perte de contrôle sur les données personnelles. Partage d’informations, échanges mal encadrés, incidents d’usurpation d’identité ou de deepfakes, même peu fréquents à l’école primaire, inquiètent de plus en plus les équipes éducatives. Nicole Belloubet a d’ailleurs rappelé aux établissements la nécessité d’une vigilance particulière concernant la protection des données. Les usages balbutiants de l’intelligence artificielle à l’école ajoutent encore une couche d’incertitude, entre perspectives prometteuses et risques encore mal cernés.

Vers une utilisation raisonnée des technologies en classe : pistes pour une intégration équilibrée

Dans les salles de classe, la régulation de l’utilisation du numérique s’impose désormais comme une évidence partagée. La charte d’utilisation, généralisée depuis 2022, définit clairement les droits et obligations de chacun. Les enseignants s’appuient sur ce cadre pour garantir la protection des données personnelles et le droit à l’image des élèves. Le RGPD, désormais incontournable dans les pratiques scolaires, impose une attention accrue lors du choix de plateformes d’apprentissage ou d’outils numériques.

Le programme pHARe, mis en place par le ministère, s’inscrit dans cette dynamique. Il propose aux équipes éducatives une formation ciblée sur les risques liés aux écrans et à la sécurité numérique. Les intervenants rappellent la nécessité de trouver un équilibre entre innovation et vigilance : limiter les expositions inutiles, favoriser des temps collectifs stimulants, éviter l’isolement face à l’écran.

Pour mieux cerner les leviers d’une intégration raisonnée du numérique, plusieurs axes se dessinent :

  • Mettre en place un encadrement strict des outils numériques dans les classes
  • Accompagner les équipes pédagogiques dans la transition vers de nouveaux usages
  • Associer les familles à la réflexion sur les pratiques numériques des jeunes

La loi SREN vient renforcer cette régulation : contrôle accru, sanctions en cas de dérapages, tout est pensé pour garantir un environnement scolaire sûr et respectueux des droits. Avec ces nouvelles règles, l’école tente de trouver la bonne distance entre maîtrise du numérique et vigilance sur ses dérives. L’objectif n’est plus seulement de transmettre des compétences, mais de s’assurer que la technologie reste un outil, jamais un obstacle, sur le chemin de la réussite.

Le numérique à l’école ressemble aujourd’hui à une ligne de crête : promesse d’ouverture, mais aussi terrain d’incertitudes. À la vitesse où évoluent les technologies, chaque décision pédagogique devient un choix d’équilibre pour façonner l’école de demain.

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